EGALITE
DES DROITS ENTRE LES ANCIENS COMBATTANTS AUTOCHTONES ET CEUX ORIGINAIRES
DES ANCIENNES COLONIES FRANÇAISES
Texte
de réflexion Asiad - Mai 2000
1 – Présentation :
Au moment
où en France, le gouvernement par le biais de son Ministre de
l’Economie et des Finances, fait état de « ces cagnottes
», et où l’on voit les hommes politiques de tous
bords se déchirer sur les conditions à mettre en place
pour se partager « les gâteaux », les anciens combattants
et victimes de guerre, ainsi que leurs ayants-cause des anciennes colonies
françaises en , vivent et meurent aujourd’hui dans la quasi-indifférence
de ceux qui prennent les décisions politiques mettant sous silence
les droits de ceux qui ont fait la France.
Il est
donc impératif que la France reconnaisse et paye ses dettes,
mais aussi qu’elle mette en place des actions visibles de démonstration
« de son envie de garder le souvenir des combattants pour la France,
originaires des pays issus de la décolonisation ».
Depuis
le début du siècle, les ressortissants de la France d’Outre-Mer,
Africains, Somalis, Malgaches, Indochinois, ont combattu pour la France
en participant à côté de leurs frères d’armes
français de souche, à tous les conflits dans lesquels
était engagée la France. Les unités de tirailleurs
coloniaux improprement appelés tirailleurs sénégalais,
ou celles composées de Maghrébins, sont intervenus dans
les deux guerres mondiales mais également dans les autres conflits
où la France a été présente, tout particulièrement
en Indochine et en Algérie.
Les
ressortissants de l’empire ont joué un rôle essentiel
lors de la première guerre mondiale, et lors de la deuxième
guerre mondiale sur laquelle quelques exemples suffisent à le
démontrer :
- pendant
la campagne de 1939-1940, 23 unités sur 92 grandes unités
en ligne, sont africaines et Nord africaines et 20% des tués
sont Africains, Maghrébins, Indochinois ou Malgaches ;
- en 1940,
à Londres, le Général De Gaulle rallie 17 000
Africains pour 3000 volontaires de métropole ;
- à
Bir Hakeim, sur 3200 soldats qui défendent le point d’appui,
1300 sont originaires d’Afrique ;
- lors
de la campagne d’Italie, sur 91000 hommes alignés par
le Général Juin, 49 000 sont Maghrébins et 10
000 sont originaires de l’Empire. Chacun garde en mémoire
les exploits des Thabors marocains au Monte Cassino ;
- lors
de la libération de la France, l’armée B, future
1ère armée du Général De Lattre, incorpore
300 000 Maghrébins ou originaires de l’Empire sur 500
000 hommes ;
- lors
du débarquement en Provence, les quatre premières grandes
unités mises à terre sont à dominante africaine
ou maghrébine et Toulon et Marseille sont libérés
par des Maghrébins et des Africains ;
- plus
de 60 % des 250 000 militaires tués en opération entre
1939 et 1945 sont originaires de l’empire.
Un ancien
président du Sénat a ainsi pu déclarer en 1945
: « Sans l’empire, la France ne serait aujourd’hui
qu’un pays libéré. Grâce à son empire,
elle est un pays vainqueur ».
Peut-être qu’il aurait mieux valu se poser la question à
savoir, si sans l’empire, la France serait aujourd’hui un
pays libéré ?
Rajoutons qu’en Indochine, ont été tués 32048
Français métropolitains pour 30770 Africains et 60174
autochtones et supplétifs.
Certains
hommes politiques français disent aujourd’hui que «
la France doit se montrer reconnaissante à l’égard
de ces soldats qui ont su combattre et mourir pour elle, alors qu’elle
était en danger » ; nous disons plutôt que «
la France doit obligatoirement se montrer respectueuse et reconnaissante
à l’égard de ces soldats qui ont su combattre et
mourir pour elle, alors qu’elle était en danger et qu’elle
allait perdre les valeurs qu’elle met en avant dans beaucoup de
situations aujourd’hui ».
a) La cristallisation des pensions et les écarts entre
les droits :
La France
a bien mal assumé sa dette à l’égard des
anciens combattants originaires des anciennes colonies françaises,
tant sur le plan matériel que moral, en remplaçant les
pensions dues à « ses anciens combattants » par des
indemnités forfaitaires dont elle a gelé le taux.
En effet, les articles 170 de la loi de finances pour 1959, pour l’Indochine,
et 71 de la loi de finances pour 1960, pour les autres pays, ont «
cristallisé » ces pensions au taux en vigueur au jour de
l’indépendance des Etats en question.
Nous reviendrons plus loin, sur la loi de finances pour 1991 qui gèle
les droits des veuves et ayants-cause, dont les conjoints sont décédés
après le 31 Décembre 1990, créeant encore une inégalité
entre cette catégorie prenant en compte l’une, et éjectant
l’autre du cadre des droits.
Sont concernées
par la cristallisation, la retraite du combattant dont bénéficient,
à l’âge de 65 ans, les titulaires de la carte du
combattant, cette carte étant accordée à toutes
les personnes ayants servies pendant 90 jours dans une unité
combattante. Il s’agit également des pensions militaires
d’invalidité accordées aux militaires et aux victimes
civiles de la guerre. Sont concernées également les pensions
militaires de retraite accordées à toute personne ayant
servie pendant quinze ans dans une unité de l’armée
française. Il s’agit enfin, des sommes versées au
titre des décorations.
Outre le
gel du montant des pensions, la cristallisation implique l’impossibilité
d’ouverture de nouveaus droits, qu’il s’agisse des
aggravations d’invalidité ou des pensions de reversion
ou même du droit à la retraite du combattant pour une personne
qui n’aurait pas atteint, à la date de la cristallisation,
l’âge d’attribution de la pension.
Le niveau actuel des pensions servies aux anciens combattants originaires
des anciennes colonies françaises, reste donc très faible
et très disparate d’un pays à l’autre, leur
montant dépendant d’une part, de la date d’indépendance
de chaque pays, et d’autre part, de revalorisations accordées
de manière non uniforme.
La retraite
du combattant s’élève ainsi annuellement à
103.62 Frs au Vietnam, 318.14 Frs au Maroc, 377 Frs en Guinée
et 1318 Frs à Djibouti, pour un montant de 2600 Frs en France.
Les mêmes écarts se retrouvent pour les autres pensions
d’invalidité ou de retraite, comme il ressort du tableau
à la page suivante :
Montant annuel des pensions cristallisées (en francs français)
|
Retraite
de combattant |
Pensions
militaires d'invalidité (invalides à 100%
grands mutilés) |
Pensions
militaires de retraite
Moyenne homme du rang et sous-officiers subalternes plus de 15
ans |
France |
2600
Frs |
81
460 Frs |
40
905 Frs |
Cambodge-Laos-Vietnam |
104
Frs |
3140
Frs |
1020
Frs |
Maroc-Tunisie |
318
Frs |
8900
Frs |
2452
Frs |
Algérie |
370
Frs |
10
340 Frs |
3183
Frs |
Guinée |
377
Frs |
14
750 Frs |
2904
Frs |
Cameroun-Mali-Togo |
560
Frs |
21
910 Frs |
4313
Frs |
Bénin-Côte
d’Ivoire-Burkina Faso-Niger-Mauritanie |
574
Frs |
22470
Frs |
5007
Frs |
Madagascar |
798
Frs |
26
660 Frs |
8929
Frs |
Congo |
838
Frs |
27
750 Frs |
9382
Frs |
Centrafrique
Gabon-Tchad |
1059
Frs |
29
610 Frs |
12
054 Frs |
Sénégal |
1146
Frs |
32
040 Frs |
13
042 Frs |
Comores |
1152
Frs |
32
220 Frs |
14
108 Frs |
Djibouti |
1318
Frs |
51
610 Frs |
17
217 Frs |
D’après
le gouvernement français, le pouvoir d’achat de ces pensions
dans leur pays d’attribution serait cependant souvent supérieur
à celui des pensions de droits communs en France. Mais il lui
serait inférieur de 20 à 30 % au Maroc et en Tunisie.
Dans ces derniers pays, une pension de retraite d’un sous-officier
subalterne ayant plus de quinze ans d’ancienneté ne dépasse
pas en moyenne 200 Frs par mois, une pension de grand invalide 742 Frs
par mois, et la pension de retraite du combattant 26, 50 Frs par mois.
L’argument
souvent avancé selon lequel une revalorisation du taux des pensions
destabiliserait les économies des pays concernés ne tient
pas, si l’on considère que les personnes ayant travaillé
pour des entreprises privées bénéficient de pensions
de retraite et d’accident de travail au même taux que les
français.
D’ailleurs, de nombreux marocains, titulaires de la carte de combattant,
résidant actuellement de manière régulière
à Bordeaux, bénéficient du RMI ou du minimum vieillesse
après un parcours du combattant difficile. Le montant de leurs
allocations est bien supérieur au niveau des pensions auxquelles
ils ont droit. Ils envoient l’essentiel de leurs ressources à
leur famille au Maroc, vivant eux-mêmes dans des conditions extrêmement
précaires. Cette situation n’est pas admissible.
De surcroît,
la cristallisation semble être juridiquement fragilisée.
En 1989, le comité des droits de l’Homme des Nations Unies
a estimé que le tarif des pensions cristallisées devait
être aligné sur celui applicable aux nationaux français.
Décision que la France n’entend pas, et qui nécessite
une mobilisation des interessés, des associations de défense
des droits de l’Homme …L’ASIAD s’inscrit dans
cette démarche et sera parmi les initiatrices d’un projet
allant dans ce sens, autour de l’action « du débarquement
des anciens combattants originaires des anciennes colonies françaises,
pour l’égalité des droits ».
b)
La situation des veuves et ayants-cause :
Les effets
de la loi de finance pour 1991 dite, loi du 31.12.1990 qui met fin à
la reversibilité des pensions et supprime la prise en compte
de droits nouveaux en faveur de ces anciens combattants, créée
une nouvelle inégalité au sein même des ayants-cause.
Aujourd’hui, du fait de cette loi, les veuves de ces anciens combattants
dont les conjoints sont décédés après le
01.01.1991 ne percoivent pas de pension de reversion, alors que les
veuves dont les conjoints sont décédés avant cette
date, la percoivent. Cette pratique qui n’est pas la même
à l’égard des veuves d’anciens combattants
autochtones est inquiètante, d’autant plus qu’elle
émane d’une loi.
A
NOTER : Depuis, les arrêts Diop et Bab Hamed du Conseil
d'Etat des 30 novemnre 2001 et 06 février 2002, apportent de
nouveaux éléments en faveur des Anciens Combattants...
voir http://www.gisti.org
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